« KONDROBLÉ, LINTRÉPIDE »

« KONDROBLÉ, LINTRÉPIDE »

« KONDROBLÉ, LINTRÉPIDE »

Un documentaire de Agence Presse Audio


Les tisserins ployaient encore sous l’effet De l'anesthésie à eux administrée par Morphée

15:39 Ecouter

Un documentaire de

Agence Presse Audio


Mise en ligne

11 Février 2025


Réalisation

Agence Presse Audio


Mise en onde & mix

Agence Presse Audio


Illustration

Agence Presse Audio


Production

Agence Presse Audio

Les tisserins ployaient encore sous l’effet

De l'anesthésie à eux administrée par Morphée,

Lorsque le balai de la vieille Kondroblé

Entama son travail habituel sur le sol dénudé.

 

Le balai se voulait très entreprenant,

Plusieurs fois sur le même espace, partant et revenant

Avant de faire un pas en avant

Comme si c'était le dernier qu'elle faisait de son vivant.

 

Kondroblé était d'un caractère obsessionnel

À tel point qu'elle agissait toujours de façon démentielle. Elle avait un fils unique qu'elle aimait au-delà du réel

Pour elle, c’était son cœur, sa perle.

 

Il avait perdu son géniteur dès le premier jour de sa naissance

Dans des conditions jusque-là inexpliquées dans une totale indécence

La rumeur chantait qu’elle l’avait tué

Pour une crise de jalousie mal gérée.

 

Plus que peinée et désorientée

Kondroblé se replia dans son monde seul avec son unique-né.

Elle en voulait tellement au monde entier

De l’avoir amputée de sa moitié.

 

Ainsi, il ne se passait pas de jour sans qu'elle ne maltraitât

Toute malheureuse bête qui, par malheur, passait par là

Pire, les enfants du village n’étaient pas en reste

Quelle traitait comme sils avaient la peste.

 

Kondroblé avait fini par inoculer son venin à son

Qui était devenu le bourreau de ses camarades d'âge, quel vice !

Les plaintes des parents qui étaient devenues légion

Semblaient la renforcer dans ses convictions.

 

Devant sa cour, Kondroblé tenait un petit étal

Qu’elle gérait tant bien que mal

Elle y proposait toutes sortes de marchandises

Surtout pour les enfants qui adoraient les friandises.

 

Très souvent, le vent de la colère soufflait rageusement

Lorsqu'elle constatait la disparition du pot de jus subitement,

Qui servait d'échantillon qu'elle posait sur la glacière

Juste pour indiquer la présence de ses affaires.

 

Et là, celui qui passait par là en était tenu aussitôt responsable.

S’en suivait donc une sanction assez désagréable

Pas un seul môme n’a échappé à sa chicotte épineuse

Qu'elle avait apprêtée à cet effet tant elle était vicieuse

Tous, sauf son fils à elle, son précieux

Celui-là même qui rendait les siens si heureux,

Qui donnait un sens à sa vie dans ce monde

Et qu'elle aimait plus que tout au monde.

 

Angboklounvi, quand il était en colère,

Était intraitable comme sa mère.

Teigneux à souhait, loin d’être sage,

Il était la terreur des enfants de son âge.

 

N'avait-il pas failli brûler le village entier l’année dernière

En mettant le feu à la cuisine de sa propre mère,

Juste pour un morceau de poisson

Qu'elle lui aurait refusé à juste raison ?

 

Combien d'impairs n'avait-il pas commis

Rejetant la faute sur ses camarades de jeu de jour comme de nuit ?

Kondroblé n'hésitait d'ailleurs pas à s'en prendre à tous ceux

Qui osaient accuser et traiter son trésor de fils de morveux.

 

Un jour, ayant constaté la disparition de ses pots posés sur la glacière

Elle décida de mettre le grappin sur le voleur à sa manière ;

La plus cynique qui puisse être,

Fait qui était en adéquation avec son être.

 

En lieu et place de l'échantillon normal,

Elle remplit la bouteille avec un produit toxique pour faire mal.

Kondroblé y rajouta une bonne dose de saccharose

Et le posa sereinement sur la glacière rose.

 

Puis, elle rentra vaquer à ses occupations

Tout en y veillant avec une particulière attention.

Toutes les dix minutes, elle faisait un petit tour dehors

Pour faire l'état des lieux sans le moindre remords.

 

Le soleil déclinait tranquillement sa courbe et toujours rien.

Les enfants faisaient de nombreux va-et-vient

Avec Angboklounvi malgré le caractère intraitable de ce dernier

Qui n’hésitait pas à les malmener du bout du nez.

 

Par intermittence, le petit bonhomme faisait irruption dans la cuisine

Et en ressortait avec une radieuse mine.

Et comme à son habitude, profitant du manque d'attention de sa mère,

Il souleva le pot posé sur la glacière.

 

Il en vida le contenu d'un trait

Puis, satisfait et tout gai,

Il courut rejoindre ses copains

Avec le pot vide encore en main.

 

Une minute plus tard, Kondroblé la mégère sortit dans la rue,

Et quelle ne fut sa joie de voir que le pot de jus avait disparu !

Elle se mit à fredonner une chanson qu'elle aimait bien

Et à esquisser des pas de danse de joie avec entrain.

Andê ma tra mi aviéfouè !

Ma trè yi oh Ma trè ! Ma trè yi oh, Ma trè !

Andê ma tra mi aviéfouè !

Ma trè yi oh Ma trè ! Ma trè yi oh, Ma trè !

 

Quelques instants après, une clameur animée par des cris de détresse

Contrastant avec toute autre forme d’allégresse

Envahit l'espace sonore qui lui parvint aussitôt aux oreilles

Sous un ciel chauffé à blanc par le soleil.

 

« Tous les jours pour le voleur, un seul jour pour le propriétaire... »

Comme toute commère friande des faits divers,

Elle se rendit sur la place de jeu des enfants

Pour mieux apprécier les murmures du vent.

 

D'effroyables cris s'échappèrent de la foule avec émoi

Qui, au lieu de l'inquiéter, ravivèrent sa joie

Avec toujours au bout des lèvres amères,

« Tous les jours pour le voleur, un jour pour le propriétaire ».

 

Se frayant un chemin au milieu de cette masse humaine de curieux

Venus voir ce qu'il se passait en ces lieux

Quelle ne fut sa surprise de voir son fils Angboklounvi

Etendu là, agonisant sur le sol, pratiquement sans vie !

 

Qu'avez-vous fait à mon enfant ?

Vous avez tué mon unique sang !

Elle s'approcha du petit et là, elle l’aperçut

Tenant encore en main le pot de jus.

 

Oh mon Dieu ! Qu'ai-je fait ?

Juste pour un pot de lait

J'ai ôté à mon fils, la vie

Oh mon Dieu ! Quelle idiotie !

 

Voilà où peut conduire la méchanceté lorsqu'on n'a pas de cœur.

 

Conte : extrait de Graines de Sagesse de Ferdinand KADJANÉ, Les Éditions Kamit, Page 17.

Voix : Jek Lulutêguî

Montage et mise en onde : ÉRIC AKUGRÉ