« KONDROBLÉ, LINTRÉPIDE »

« KONDROBLÉ, LINTRÉPIDE »
Un documentaire de Agence Presse Audio
Les tisserins ployaient encore sous l’effet De l'anesthésie à eux administrée par Morphée
Un documentaire de
Agence Presse Audio
Mise en ligne
11 Février 2025
Réalisation
Agence Presse Audio
Mise en onde & mix
Agence Presse Audio
Illustration
Agence Presse Audio
Production
Agence Presse Audio
Les tisserins ployaient encore sous l’effet
De l'anesthésie à eux administrée par Morphée,
Lorsque le balai de la vieille Kondroblé
Entama son travail habituel sur le sol dénudé.
Le balai se voulait très entreprenant,
Plusieurs fois sur le même espace, partant et revenant
Avant de faire un pas en avant
Comme si c'était le dernier qu'elle faisait de son vivant.
Kondroblé était d'un caractère obsessionnel
À tel point qu'elle agissait toujours de façon démentielle. Elle avait un fils unique qu'elle aimait au-delà du réel
Pour elle, c’était son cœur, sa perle.
Il avait perdu son géniteur dès le premier jour de sa naissance
Dans des conditions jusque-là inexpliquées dans une totale indécence
La rumeur chantait qu’elle l’avait tué
Pour une crise de jalousie mal gérée.
Plus que peinée et désorientée
Kondroblé se replia dans son monde seul avec son unique-né.
Elle en voulait tellement au monde entier
De l’avoir amputée de sa moitié.
Ainsi, il ne se passait pas de jour sans qu'elle ne maltraitât
Toute malheureuse bête qui, par malheur, passait par là
Pire, les enfants du village n’étaient pas en reste
Quelle traitait comme sils avaient la peste.
Kondroblé avait fini par inoculer son venin à son
Qui était devenu le bourreau de ses camarades d'âge, quel vice !
Les plaintes des parents qui étaient devenues légion
Semblaient la renforcer dans ses convictions.
Devant sa cour, Kondroblé tenait un petit étal
Qu’elle gérait tant bien que mal
Elle y proposait toutes sortes de marchandises
Surtout pour les enfants qui adoraient les friandises.
Très souvent, le vent de la colère soufflait rageusement
Lorsqu'elle constatait la disparition du pot de jus subitement,
Qui servait d'échantillon qu'elle posait sur la glacière
Juste pour indiquer la présence de ses affaires.
Et là, celui qui passait par là en était tenu aussitôt responsable.
S’en suivait donc une sanction assez désagréable
Pas un seul môme n’a échappé à sa chicotte épineuse
Qu'elle avait apprêtée à cet effet tant elle était vicieuse
Tous, sauf son fils à elle, son précieux
Celui-là même qui rendait les siens si heureux,
Qui donnait un sens à sa vie dans ce monde
Et qu'elle aimait plus que tout au monde.
Angboklounvi, quand il était en colère,
Était intraitable comme sa mère.
Teigneux à souhait, loin d’être sage,
Il était la terreur des enfants de son âge.
N'avait-il pas failli brûler le village entier l’année dernière
En mettant le feu à la cuisine de sa propre mère,
Juste pour un morceau de poisson
Qu'elle lui aurait refusé à juste raison ?
Combien d'impairs n'avait-il pas commis
Rejetant la faute sur ses camarades de jeu de jour comme de nuit ?
Kondroblé n'hésitait d'ailleurs pas à s'en prendre à tous ceux
Qui osaient accuser et traiter son trésor de fils de morveux.
Un jour, ayant constaté la disparition de ses pots posés sur la glacière
Elle décida de mettre le grappin sur le voleur à sa manière ;
La plus cynique qui puisse être,
Fait qui était en adéquation avec son être.
En lieu et place de l'échantillon normal,
Elle remplit la bouteille avec un produit toxique pour faire mal.
Kondroblé y rajouta une bonne dose de saccharose
Et le posa sereinement sur la glacière rose.
Puis, elle rentra vaquer à ses occupations
Tout en y veillant avec une particulière attention.
Toutes les dix minutes, elle faisait un petit tour dehors
Pour faire l'état des lieux sans le moindre remords.
Le soleil déclinait tranquillement sa courbe et toujours rien.
Les enfants faisaient de nombreux va-et-vient
Avec Angboklounvi malgré le caractère intraitable de ce dernier
Qui n’hésitait pas à les malmener du bout du nez.
Par intermittence, le petit bonhomme faisait irruption dans la cuisine
Et en ressortait avec une radieuse mine.
Et comme à son habitude, profitant du manque d'attention de sa mère,
Il souleva le pot posé sur la glacière.
Il en vida le contenu d'un trait
Puis, satisfait et tout gai,
Il courut rejoindre ses copains
Avec le pot vide encore en main.
Une minute plus tard, Kondroblé la mégère sortit dans la rue,
Et quelle ne fut sa joie de voir que le pot de jus avait disparu !
Elle se mit à fredonner une chanson qu'elle aimait bien
Et à esquisser des pas de danse de joie avec entrain.
Andê ma tra mi aviéfouè !
Ma trè yi oh Ma trè ! Ma trè yi oh, Ma trè !
Andê ma tra mi aviéfouè !
Ma trè yi oh Ma trè ! Ma trè yi oh, Ma trè !
Quelques instants après, une clameur animée par des cris de détresse
Contrastant avec toute autre forme d’allégresse
Envahit l'espace sonore qui lui parvint aussitôt aux oreilles
Sous un ciel chauffé à blanc par le soleil.
« Tous les jours pour le voleur, un seul jour pour le propriétaire... »
Comme toute commère friande des faits divers,
Elle se rendit sur la place de jeu des enfants
Pour mieux apprécier les murmures du vent.
D'effroyables cris s'échappèrent de la foule avec émoi
Qui, au lieu de l'inquiéter, ravivèrent sa joie
Avec toujours au bout des lèvres amères,
« Tous les jours pour le voleur, un jour pour le propriétaire ».
Se frayant un chemin au milieu de cette masse humaine de curieux
Venus voir ce qu'il se passait en ces lieux
Quelle ne fut sa surprise de voir son fils Angboklounvi
Etendu là, agonisant sur le sol, pratiquement sans vie !
Qu'avez-vous fait à mon enfant ?
Vous avez tué mon unique sang !
Elle s'approcha du petit et là, elle l’aperçut
Tenant encore en main le pot de jus.
Oh mon Dieu ! Qu'ai-je fait ?
Juste pour un pot de lait
J'ai ôté à mon fils, la vie
Oh mon Dieu ! Quelle idiotie !
Voilà où peut conduire la méchanceté lorsqu'on n'a pas de cœur.
Conte : extrait de Graines de Sagesse de Ferdinand KADJANÉ, Les Éditions Kamit, Page 17.
Voix : Jek Lulutêguî
Montage et mise en onde : ÉRIC AKUGRÉ
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