Culture : Il était une fois … Zélé de Papara !

Culture : Il était une fois … Zélé de Papara !

Culture : Il était une fois … Zélé de Papara !

Un documentaire de Agence Presse Radio


De son nom à l’état civil Karkô Zélé Koné, la cantatrice de la tradition musicale Sénoufo

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Un documentaire de

Agence Presse Radio


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20 Août 2025


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Agence Presse Radio

De son nom à l’état civil Karkô Zélé Koné, la cantatrice de la tradition musicale Sénoufo, Zélé de Papara est une figure emblématique, bien au-delà des frontières de son village natal Papara, au nord de la Côte d’Ivoire. 

Issue d’une famille où la musique était une tradition, Zélé de Papara est née en 1934, d’une mère chanteuse de ‘’Bari’’ (genre musical et poétique propre au peuple Sénoufo). Elle a appris cet art de chant mélancolique par imprégnation et imitation.

Très tôt mariée, elle traverse des épreuves déchirantes marquées par la perte successive de ses onze enfants, tous morts en bas âge ; ce qui lui vaudra d’être rejetée par sa communauté et accusée à tort de sorcellerie. Loin de se résigner, elle transforme cette douleur en une force artistique rare, choisissant la musique comme exutoire. Sa voix, grave, puissante, incantatoire, devient le canal par lequel elle exprime sa résilience et son humanité.

C’est dans cet élan de reconstruction personnelle qu’elle s’impose comme cantatrice du genre traditionnel ‘’Bari’’. Avec son petit tambour attaché à la hanche, ses tenues ornées de cauris, de miroirs et de perles, elle devient l’âme des cérémonies et festivals, incarnant l’essence même de la culture orale Sénoufo. Son style si particulier, que d’aucuns appellent aujourd’hui le ‘’style zéléen’’, se reconnaît à sa façon de chanter-parler, ponctuée d’onomatopées marquantes.

Ecoutons un bout de ses œuvres 
//0’43…1’15//

Ce langage musical unique, entre chant et incantation, fascine autant qu’il émeut. En 1987, lors du Festival national des masques et danses traditionnelles à Yamoussoukro, la capitale politique ivoirienne, elle conquiert définitivement le public national. Sa voix de contralto, profonde et enracinée, devient symbole d’un art pur, transmis sans artifice.

Zélé de Papara n’a jamais enregistré d’album, ni connu la notoriété commerciale. Elle a vécu simplement, au rythme de son village, refusant les lumières de la ville et les promesses vaines. Pourtant, son nom reste gravé dans la mémoire collective. Elle meurt en août 1994, à l’âge de 60 ans, tragiquement ensevelie sous l’effondrement de sa case en banco lors d’une forte pluie. Sa disparition laisse un vide immense, mais son héritage, lui, perdure. Première femme à intégrer un orchestre d’hommes dans une société traditionnelle, Zélé de Papara est aujourd’hui reconnue comme une pionnière, une femme forte qui, sans discours ni revendications, a porté haut la voix des femmes à travers le chant.

Des projets de documentations, de numérisation de ses œuvres, et la création d’un musée-mémoire sont en cours pour préserver son héritage. En 2024, lors du Djéguélé Festival (festival du balafon) à Boundiali, un hommage lui a été rendu à travers un colloque. L’année suivante, la sous-préfecture de Papara a annoncé la construction d’une stèle en son honneur, pour marquer sa tombe et célébrer sa mémoire.

Trente ans après sa mort, alors même que peu d’enregistrements subsistent de son œuvre, son nom continue de résonner comme une prière, un cri et une leçon d’humanité.


Texte : Mina Tiéporogadana DEMBELE

Récit : Massi de GANHOUE