Diomaye Faye / Ousmane Sonko : du duo au duel ?

Diomaye Faye / Ousmane Sonko : du duo au duel ?

Diomaye Faye / Ousmane Sonko : du duo au duel ?

Un documentaire de Agence Presse Audio


​​​​​​​Le 24 mars 2024, Bassirou Diomaye Faye, encore vêtu de l’ombre de la prison, accédait à la magistrature suprême dans un souffle populaire historique.

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16 Juillet 2025


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Le 24 mars 2024, Bassirou Diomaye Faye, encore vêtu de l’ombre de la prison, accédait à la magistrature suprême dans un souffle populaire historique. Cette victoire, aussi fulgurante qu’inattendue, portait l’empreinte indélébile d’un autre homme : Ousmane Sonko, chef de file du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), stratège redoutable et icône de l'opposition sénégalaise. Ensemble, ils avaient incarné un rêve de rupture, une promesse d’éthique et d’émancipation. Ensemble, ils formaient le noyau incandescent d’un mouvement populaire devenu majoritaire.

Leur alliance ne naquit pas d’un calcul politicien, mais d’une fraternité scellée dans l’épreuve : celle de la prison, de la répression, de l’exclusion politique. Quand Sonko, écarté de la présidentielle par un appareil judiciaire contesté, désigna Diomaye Faye comme son "plan B", il n’y eut ni réserve ni doute : il transmettait un flambeau, un idéal, presque une continuité spirituelle.

Mais à peine un an après leur prise de pouvoir, des dissonances éclatent au grand jour. Le jeudi 10 juillet, lors d’une réunion du Pastef, Ousmane Sonko a publiquement pris ses distances avec le président Faye. Dans un discours d’une rare véhémence, le Premier ministre a fustigé ce qu’il qualifie de « manque de soutien » de la part de son allié face aux « attaques » dont il se dit la cible.

On écoute Ousmane Sonko

Ces déclarations sèment un trouble profond au sein d’une coalition que l’on croyait indissoluble. Diomaye, jusque-là discret et mesuré, s’applique à endosser les habits de l’homme d’État : conciliateur, pragmatique, attentif aux équilibres internes et aux impératifs internationaux. Sonko, lui, conserve le souffle du tribun, l’ardeur du militant, l’intransigeance de celui qui ne compose pas. Deux styles, deux tempéraments, mais désormais, peut-être, deux trajectoires.

Le face-à-face latent entre les deux hommes fait écho aux grands duos tragiques de l’histoire politique africaine, de Sankara et Compaoré à Gbagbo et Soro. La question lancinante s’impose : qui détient la légitimité première ? Celui qui a remporté les urnes ou celui qui a éveillé les consciences ? Celui qui gouverne ou celui qui incarne encore le feu du combat ?

Derrière les sourires diplomatiques et les discours codifiés, les lignes de fracture deviennent palpables. Des clans se dessinent. D’un côté, les partisans d’une présidence régulatrice, institutionnelle, rationnelle ; de l’autre, les fervents défenseurs d’un agenda de rupture rapide, revendiqué par Sonko et ses fidèles. Le Pastef, catalyseur d’espoir pour toute une génération, pourrait-il devenir le théâtre d’un affrontement fratricide ?

À l’évidence, la transition du combat à la gouvernance n’est pas sans turbulence. Le pouvoir, par nature, creuse les écarts entre l’idéal et le réel. Mais dans un Sénégal qui a massivement investi son espoir dans ce tandem, toute dissonance est un choc. Le duo originel survivra-t-il à l’épreuve du pouvoir ? Ou faudra-t-il se préparer à un duel qui, s’il advient, pourrait redéfinir en profondeur l’avenir politique du pays ?

Pour l’heure, le silence du président Faye face aux charges de son Premier ministre reste énigmatique. Mais à Dakar, les murmures se font insistants : la fracture est réelle, la confiance, altérée. Et dans l’esprit des Sénégalais, une question désormais plane angoissante, inévitable : l’espoir né de l’union des deux hommes sombrera-t-il dans les eaux troubles de la rivalité ?

Texte et récit : Silvere BOSSIEI